AFCAE VS NETFLIX

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Re: AFCAE VS NETFLIX

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Je réagissais à ton commentaire disant que les spectateurs allaient voir les Bodin's en masse en province.
C'est certes vrai, mais cela ne veut pas dire qu'un modèle de salle sans ce type de film est impossible en province, même dans des petites villes.

La question de la concurrence entre les modèles économiques du secteur est toujours délicate. J'ai déjà évoqué cet exemple ici-même : dans une ville pas loin de chez moi il y avait deux salles. L'une privée généraliste, l'autre associative A&E. La seconde est cise dans des locaux mis à dispos par la ville, et ne tourne qu'avec des bénévoles. Du coup le plein tarif était à 5€50... De plus la salle associative faisait les scolaires.
Évidemment le privé (à quelques centaines de mètres seulement) a mis la clé sous la porte, la concurrence est purement intenable.

D'ailleurs, j'ai remarqué que les prestataires aiment travailler avec les assos : ils paient toujours rubis sur l'ongle et ne négocient presque jamais. Et souvent ils n'ont pas la compétence en interne pour bien analyser les propositions (en tout cas les décideurs, càd les administrateurs des assos). Ça laisse un vrai boulevard pour les commerciaux, qui s'y engouffrent joyeusement.

Par contre je ne suis pas d'accord sur un point : la question éthique se pose. Quand des grands groupes vampirisent les copies A&E au détriment de ceux qui bossent ce public là depuis toujours et avec passion, tout ça pour éjecter les films après une ou deux semaines d'exploitation dans la plus grande indifférence, ben ça fait chier. De la même manière que les plateformes qui arrivent avec leurs gros chéquiers et débauchent tous les talents pour tourner des merdes formatées par leurs "script doctors", ben ça fait chier aussi.
Le ciné est un business, ça a toujours été le cas, mais il importe de préserver un équilibre qui permettent à de véritables oeuvres de voir le jour puis de les amener jusqu'au spectateur.
Dans cette perspective, je trouve que les salles sont toujours des outils pertinents, et que la réflexion sur les modèles économiques du futur pour les salles comporte forcément une part d'éthique. Évidemment il faut savoir user de nuance.
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la question éthique se pose
Bah oui évidemment…

Mais un cinéma qui vend aussi du pop corn n'est pas forcément un « méchant » cynique, sans goût ni cœur, et le cinéma qui ne fait que de l'A&E n'est pas nécessairement un « meilleur » employeur ou acteur culturel : le travail des salles est fonction de leur public, principalement. Le public qui franchit les portes et achètent des tickets, quel que soit le film…

Car au final c'est ça qui fait vivre l'ensemble de la filière : les spectateurs. On ne les choisit pas, c'est eux qui nous choisissent.
Et c'est en fonction d'eux que l'offre de films varie d'un ciné à l'autre, d'un territoire à l'autre.

Et pas tellement en fonction du goût de l'un ou l'autre exploitant. Alors c'est sûr quand les « très » gros se mettent à piquer des films aux plus petits, ça paraît déséquilibré. Quand ça arrive, à qui cela nuit-il, ou profite-t-il ? Aux films ? Aux spectateurs ? Aux salles ?
Si ça arrive, c'est que ça profite à quelqu'un et il faut comprendre pourquoi…

La position et le discours des éditeurs~distributeurs sont loin d'être univoques à ce sujet.

Et quand des salles municipales / associatives / ou sàrl aux pratiques douteuses quant au travail dissimulé prétendent donner des leçons de gestion ou de programmation, comment dire… j'ai du mal, alors que c'est de là que je viens, professionnellement parlant !

Heureusement, tout n'est pas que blanc ou noir.
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Coeur Noir a écrit : jeu. 18 nov. 2021 - 21:25
la question éthique se pose
Heureusement, tout n'est pas que blanc ou noir.
That’s the point.
Je pense non seulement que plusieurs modèles de salles sont possibles mais que c’est carrément souhaitable. Et que tout ce monde peut travailler en bonne intelligence avec les distributeurs également.
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C'est bien il en faut qui y croient encore :mrgreen: tout dépend où, avec quels spectateurs.

Sérieusement je pense que l'aspect social du lieu cinéma est important. Mais je pense aussi qu'on manque d'outils pour répondre rapidement voire instantanément aux désirs de films, volatiles et changeants, de nos « clients ».

____________________

J'avais pas fait gaffe à cette remarque :
Quand des grands groupes vampirisent les copies A&E au détriment de…
Vampirisent-ils les copies vraiment ? À l'ère du numérique, rien n'empêche en théorie leur multiplication à l'identique et à l'infini puisque le vpf c'est fini. Ça fait partie de ces trucs toujours pas réglés au sein de la profession, l'accès par toutes les salles, à tous les films, n'importe quand et n'importe où.

Donc dans ce genre de cas, des gens ont fait des choix : le premier ciné qui appelle le distributeur pour caler le film. Ou : celui à offrir le meilleur potentiel d'entrées / recettes l'emporte pour la sortie nationale. Et ça pourra suivre en 3ème ou 4ème semaine dans l'autre cinéma, avec des conditions plus souples ( moins d'exigence sur le nombre de séances par ex. )
Un distributeur ne peut pas refuser de « vendre » son film à une salle. Il peut juste négocier une exposition. Entre deux salles c'est généralement celle qui propose la meilleure exposition qui gagne la primeur. Tout comme un distributeur ne peut pas travailler exclusivement avec l'une et jamais l'autre.

Et c'est bien sûr un jeu de dupes, tu penses ! Une fois le film dans l'une ou l'autre, l'exploitant fait ce qu'il peut / veut avec, et pas toujours comme négocié. D'où le médiateur du cinéma… pour arbitrer ou apaiser, ou juste constater que les parties prenantes sont des cowboys :lol: et des discussions houleuses le lundi matin…

Pas évident de percevoir les enjeux derrière les discours de circonstances ou de façades, des uns comme des autres.
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Je ne suis pas vraiment d'accord pour un libéralisme complet sur les copies.
Dans ce genre de modèle, les gros écrasent forcément les petits.
Imagine un groupe comme Pathé qui prend toutes les copies A&E en les négociant à l'échelle nationale, et en demandant aux distrib' l'exclusivité sur les villes (voire au-delà) où ils sont en concurrence avec des salles hors grands circuits ?
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Je sais pas… est-ce que c'est vraiment ça qui arriverait ? Au début oui, il y aurait sans doute des précipitations, des enthousiasmes maladroits mais à long terme ?

Des films y'en a plein à montrer, tout le temps. Ça répartirait peut-être un peu autrement les films sur le territoire, raccourcirait la carrière de ceux qui sortent trop massivement alors qu'ils bident, et donnerait un peu d'air aux succès surprises ou « locaux ».
Mais ouais on peut pas essayer juste pour voir, c'est une transformation radicale de la programmation…

Le problème que tu soulèves là c'est « l'exclusivité », parce que le groupe machin aurait dealé un film, il ne serait plus accessible à personne d'autre. Ça c'est le mal. Interdit. C'est ce qui se passe sur les ptf d'ailleurs, quand un titre est dispo sur l'une il disparaît des autres ( c'est comme ça que Netflix perd toutes les séries StarTrek parce que ça sera bientôt une exclu de la ptf Paramount… )

Et c'est typiquement ce qui ne doit pas arriver en salles : n'importe quel ciné doit pouvoir passer n'importe quel film, n'importe quand et n'importe où. Or déjà aujourd'hui, sans « dérégulation » c'est biaisé : selon le type de films, son nombre de « copies » ce sera d'abord les grandes villes, villes à csp+ ou étudiantes et quelques semaines après ça ira ailleurs, bien après le buzz, le marketing, la promotion, la presse, pour ramasser les dernières miettes de spectateurs suffisamment patients, plus loin dans la France profonde.

C'est ce décalage là que je ne comprends plus aujourd'hui au cinéma. Quand à côté de ça tu as des titres qui sortent le même jour dans le monde entier, quasiment.

Et en exemple opposé, il y a le film « d'où l'on vient » sortie par la Warner fin juin. Ils avaient il me semble ± 600 « copies » à caser en France pour cette comédie musicale. 600. Pour une comédie musicale américaine, sur un sujet (hispano) américain, sans tête d'affiche ultra populaire. Les qualités ou défauts du film ne sont pas la question mais comment la Warner a-t-elle pu croire que ça avait un tel potentiel en France ? Je ne sais pas s'il est sorti effectivement sur tant d'écrans. Il a bidé. Mais il a quand même pris la place « mécaniquement » à d'autres films, nouveaux ou en continuation, qui auraient tous mieux marché que lui… ( y compris dans le tas un autre titre Warner ).

Dans ce cas, je pense que des obligations contractuelles avec la prod' les obligeaient à sortir le film coûte que coûte - post confinement, c'est le bordel aussi… - et qu'il ne s'agissait pas d'une « intention » de truster les écrans.
Mais certaines semaines, y'a de quoi se poser la question…
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Coeur Noir a écrit : sam. 20 nov. 2021 - 4:15 Et c'est typiquement ce qui ne doit pas arriver en salles : n'importe quel ciné doit pouvoir passer n'importe quel film, n'importe quand et n'importe où. Or déjà aujourd'hui, sans « dérégulation » c'est biaisé : selon le type de films, son nombre de « copies » ce sera d'abord les grandes villes, villes à csp+ ou étudiantes et quelques semaines après ça ira ailleurs, bien après le buzz, le marketing, la promotion, la presse, pour ramasser les dernières miettes de spectateurs suffisamment patients, plus loin dans la France profonde.
Oui, mais comme tu le dis c'est un jeu de dupe. Imagines Disney ou la Warner qui dit aux salles modestes : si vous ne me faites pas 3 semaines d'exclu en salle 1 sur tel nanar, on bosse plus jamais ensemble... Où met-on les films modestes pendant ce temps là ?
Je pense qu'avec une dérégulation totale le marché ira dans ce sens.

D'où le point que je soulignais avec précédemment : la nécessité absolue de bosser avec les distributeurs.
L'enjeu, c'est pas de contrer les plateformes (elles sont là, et avec la croissance du "consentement à payer" en ligne, elles ne sont pas près de sortir ou même de reculer), mais de garder un écosystème qui permette à chacun de vivre de son métier, tout en continuant à produire et présenter des oeuvres de qualité à un public enthousiaste (si on prend la diffusion des oeuvres audiovisuelles dans leur ensemble, on ne peut pas dire que ce soit un secteur qui se porte mal).

En tout cas il est certain que le secteur distribution/exploitation connaît des bouleversements majeurs en ce moment et que les lignes vont bouger durablement, même s'il est difficile de capter exactement le sens du vent (pour preuve les hésitations du géant Disney).

La question elle est pas vite répondue du tout.
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Ah c'est clair ! C'est un sujet vaste et complexe, aussi passionnant à bien des égards qu'effrayant quand on est directement concerné !
Difficile de prendre du recul par rapport à la globalité des enjeux quand au quotidien tu blêmis devant les résultats de tes salles…
Oui, mais comme tu le dis c'est un jeu de dupe. Imagines Disney ou la Warner qui dit aux salles modestes : si vous ne me faites pas 3 semaines d'exclu en salle 1 sur tel nanar, on bosse plus jamais ensemble...
Mais ça c'est ( pas forcément en ces termes ) déjà en train d'arriver, depuis des années, et pas seulement de la part des plus gros distributeurs, alors qu'on est dans un marché en théorie relativement régulé. Entre les désirs irréductibles de chaque spectateur et la pression économique « basique » d'une entreprise à tenir à flots, beaucoup d'exploitants ont finalement très peu de marge de manœuvre dans leur choix de films.

Il ne suffit pas de mettre des « beaux » films à l'affiche pour que les gens viennent les voir chez toi… faut pouvoir le faire quand les gens ont envie des films en question. Ou avoir comme « clients » les gens pour tel ou tel film, là où tu te trouves en tant que salle. Que des variables volatiles et fluides, en dehors de quelques titres au potentiel évident. Susciter le désir vers autre chose, ou la patience, c'est compliqué, ça paie peu, ça n'agit qu'à la marge.
si on prend la diffusion des oeuvres audiovisuelles dans leur ensemble, on ne peut pas dire que ce soit un secteur qui se porte mal
Parce que regarder l'ensemble est trompeur ? L'écart de succès entre les œuvres sur un lieu donné ( territoire, salle… ) puis en fonction des canaux de diffusion ( salles, ptf, télé, physique… ) m'inquiète. C'est à peu près aussi inquiétant que l'imprévisibilité électorale, grosso-merdo : le succès, le plébiscite ne sont pas que rationnels, loin s'en faut, sinon on aurait tous la bonne recette - terme volontairement équivoque.

Le contexte sanitaire et médiatique actuel creuse les écarts, accélère quelque chose qui est latent. Certains font des paris, d'autres marchent sur des œufs, est-ce qu'on est à un tournant radical du métier ou n'est-ce qu'une énième mutation comme il en a déjà connu ?

Passionnant. Et effrayant.
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La cohabitation entre l'industrie cinématographique française et les plateformes de vidéos à la demande dans leur globalité (Netflix, Prime Vidéo, Disney+, etc...) doit être fondée sur un principe de complémentarité entre les offres que proposent les cinémas en France et la diffusion des œuvres sur les plateformes de vidéos à la demande.

Je suis tout à fait favorable à des manifestations telles qu'un festival de projection des films Netflix au cinéma en France.

Il n'y a qu'en avançant ensemble que l'on peut espérer faire évoluer positivement l'industrie française du cinéma et de l'exploitation en salle, à l'heure des nouveaux défis à venir dans les années qui arrivent et à l'ère des nouvelles technologies.
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